L’Observatoire du THD 2023

Le numérique au cœur des territoires

L’Observatoire annuel du Très Haut Débit d’InfraNum, construit en partenariat avec la Banque des Territoires et l’Avicca, a été présenté le 16 mai, lors du TRIP Avicca devant Patrick Chaize, Président de l’Avicca et sénateur de l’Ain ; Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Antoine Darodes, Directeur du département Investissements Transition Numérique – Banque des Territoires / CDC et Laure de la Raudière, Présidente de l’ARCEP.

Alors que 80% des locaux sont aujourd’hui raccordables en FttH, conformément aux objectifs du Plan France Très Haut Débit fixés il y a 10 ans, l’Observatoire évalue l’estimation financière et les modalités de fonctionnement de 3 approches concrètes découlant du Good deal du numérique, pour répondre à 3 problématiques : l’égalité numérique des citoyens, la pérennité des réseaux, la solidarité entre les territoires.

Plan France THD, en route pour 2025

Le plan gouvernemental est en bonne voie. À fin 2022, 34,5 millions de locaux étaient raccordables, soit une augmentation de 4,8 millions sur un an (après +5,76 en 2021).

Parmi ces prises déployées, 18,1 millions sont raccordées, soit 53% d’entre elles. On dénombre 3,7 millions de primo-raccordements fibre en 2022 et malgré les problématiques de qualité qui mobilisent la filière, plus de 12 000 prises sont raccordées par jour ouvrable.

Ces chiffres placent, cette année encore, la France en tête des pays européens en termes de déploiement et de raccordement et permettent à la fédération InfraNum de représenter un écosystème d’acteurs adhérents pesant désormais plus de 44 milliards de chiffre d’affaires, répartis partout en France.

Un contexte particulier : inflation et fin du cuivre

La filière a subi de plein fouet une augmentation brutale de ses coûts évaluée entre 5 et 10% en moyenne dans les contrats de construction et déploiement, parfois beaucoup plus pour les équipementiers. De nombreux acteurs, fragiles comme bien installés, ont été fortement impactés. Si des concertations se sont engagées, elles sont inégalement avancées et n’offrent pas nécessairement de visibilité à long terme. L’inflation reste donc un sujet de préoccupation général pour la filière qui accentue les inquiétudes déjà soulevées par l’inégale répartition de la valeur entre l’industrie des télécommunications et le reste de la chaîne du numérique.

L’arrêt du cuivre, support de l’ADSL représente également un nouveau défi d’ampleur. Il s’agit en effet d’éteindre d’ici fin 2030 un réseau desservant 41,8 millions de locaux ! À ce jour, 11 600 lignes cuivre ont été fermées dans le cadre d’expérimentations. D’ici 2025, plus d’1 million de lignes cuivre seront concernées, puis le rythme s’accélérera pour atteindre un pic de 10,5 millions de lignes à partir de 2028.

Un « good deal numérique » à 20 Mds €

Après avoir revisité la devise républicaine en « égalité, pérennité et solidarité » l’an dernier, InfraNum va plus loin dans cette édition de l’Observatoire en évaluant les solutions concrètes de ce « Good Deal » qui pourraient être mises en œuvre rapidement.

L’égalité dans l’accès au FttH nécessite d’apporter une réponse aux raccordements complexes, estimés au moins à 500 000 sur l’ensemble du territoire, pour un coût moyen de 4000 à 5000€ par prise. Alors que le dispositif gouvernemental dédié à ces raccordements complexes est désormais clôturé, les incertitudes restent nombreuses quant à la résolution de l’ensemble de ces difficultés, auxquelles s’en ajouteront probablement de nouvelles avec la fin du réseau cuivre. Une réponse à l’échelle nationale, économe en argent public grâce à la mobilisation d’investissements, devient impérative. Parmi les solutions envisageables, la plus réaliste consiste en la création d’une structure d’investissement dans le génie civil. Selon l’Observatoire, celle-ci serait en capacité de mobiliser les montants nécessaires : 1 Mds € à court terme et plus de 2,6 Mds € au total.

La pérennité des réseaux passe par leur résilience. N’étant pas suffisamment assurée aujourd’hui, celle-ci doit faire l’objet d’une planification nationale. L’Observatoire établit les premières estimations concernant les trois scénarios envisagés. Ainsi, entre 5 et 15 Mds € seraient nécessaires selon les ambitions d’enfouissement. Un fond de péréquation des réseaux optiques, comparables dans une certaine mesure à celui qui existe pour les réseaux de distribution d’énergie, pourrait être créé et alimenté par une fraction de la fiscalité existante du secteur. Le second volet de l’étude InfraNum – Banque des Territoires, consacrée à la résilience des infrastructures numériques, viendra compléter ces approches avant l’été.

La solidarité entre les territoires doit permettre l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique. Cette péréquation pourrait être obtenue soit par la création du fond évoqué ci-dessus ou par l’adaptation des tarifs sur le marché de gros dans les zones rurales. Compte-tenu des données actuelles, mais fortement évolutives, l’Observatoire établit à ce jour un niveau estimé à 2€/ligne/mois sur ces territoires. InfraNum poursuit les travaux en cours pour affiner ces hypothèses. 

Emploi, 5G industrielle et datacenters : des enjeux forts

La filière des infrastructures numériques continuera de créer des emplois, à hauteur de 5% par an en moyenne d’ici 2030, soit +33000 emplois. Pourtant, si les activités fibre décroissent, les volumes d’emploi restent élevés et la tension sur les recrutements se poursuit. Cette situation paradoxale invite à ce que des orientations claires soient prises rapidement concernant deux chantiers structurants : l’enfouissement d’une part significative du génie civil aérien et le démontage du réseau historique cuivre. Faute de quoi, une partie de la filière pourrait se reconvertir vers d’autres chantiers du secteur, voire d’autres secteurs (1/3 des entreprises déclare envisager une diversification vers des activités autres que les infrastructures numériques).

La filière doit se préparer aux chantiers d’avenir, notamment le maintien de l’activité sur les réseaux mobiles, et ceux qui portent son évolution naturelle, à savoir la forte croissance attendue des projets « smart » et de datacenters.

L’écosystème de la 5G privée se développe au bénéfice de la réindustrialisation des territoires. 15 projets sont d’ores et déjà en service en France, sans compter un grand nombre d’expérimentations. Si la technologie est porteuse d’immenses possibilités et constitue sans aucun doute un bouleversement dans l’écosystème industriel, les projets nécessitent des délais de mise en production relativement longs (jusqu’à 3 ans), une acculturation des opérateurs industriels, et sont avant tout déclenchés par la démonstration d’usages simples et immédiatement efficients.

Le marché des datacenters est très dynamique en France avec 45 nouveaux projets au cours de l’année 2022, pour un parc total désormais de 352 structures.

Il évolue dans un environnement très internationalisé avec des acteurs variés mais des profils spécialisés d’envergure internationale de plus en plus prépondérants (plus des 2/3 de la surface IT totale). La France, et notamment Paris, y occupe une position d’envergure, aux côtés de Francfort, Londres, Amsterdam et Dublin. L’axe Paris-Marseille devrait encore se renforcer à terme grâce à ses ouvertures vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie-Pacifique. La façade Atlantique accueille également un grand nombre de câbles sous-marins, reliant l’Europe au reste du monde.

Pour la première fois, l’Observatoire annuel du THD n’aborde pas l’enjeu des smart territoires car, après avoir lancé la 1ère vigie des territoires connectés en 2022, InfraNum et l’Avicca ont décidé de créer un observatoire spécifique. Il sera présenté au TRIP Avicca d’automne.


L’Observatoire du THD 2023