Paris, 13 mai 2025 – À l’occasion du TRIP de printemps de l’Avicca, InfraNum, la Banque des Territoires et l’Avicca dévoilent la nouvelle édition de l’Observatoire de la Transition Numérique des Territoires. Cette étude propose une photographie précise de l’avancée du numérique dans les territoires français, depuis les infrastructures jusqu’aux usages, en passant par l’organisation des collectivités.

Ce nouveau rapport met en lumière les avancées significatives dans le déploiement de la fibre optique, mais alerte aussi sur les risques qui pèsent sur la fin et l’après du Plan France Très Haut Débit. Il souligne par ailleurs les écarts croissants entre territoires en matière de transformation numérique, et rappelle l’urgence d’un pilotage stratégique national appuyé par des politiques de solidarité et d’investissement ciblées.

Finaliser et pérenniser les infrastructures numériques : urgence à agir

Avec 91 % des locaux raccordables en fibre à fin 2024, la France se rapproche de ses objectifs. Le déploiement pourrait atteindre 94,6 % en 2026, mais il est marqué par un ralentissement structurel. La zone RIP n’échappe pas à cette tendance, les derniers kilomètres à déployer s’avèrent les plus complexes : absence d’infrastructures existantes, coûts de génie civil élevés, linéaires plus longs à couvrir. Résultat : une hausse des coûts, une dégradation du modèle économique des Réseaux d’Initiative Publique (RIP), et une tarification devenue obsolète pour les opérateurs comme pour les collectivités.

À cette équation économique s’ajoute un défi technique : la résilience des réseaux, notamment face aux aléas climatiques. Inondations, tempêtes et vieillissement des infrastructures nécessitent des investissements conséquents pour garantir la qualité de service dans la durée.

Le besoin total est chiffré à 400 millions d’euros pour les seuls raccordements complexes en zone RIP, et à 1 milliard d’euros d’ici 2030 pour la vie du réseau, incluant entretien, renouvellement et adaptation.

« Sans surprise, la Cour des comptes confirme que le modèle économique actuel montre ses limites. Pour finaliser le déploiement partout en France, il est indispensable de revoir les tarifs et de mettre en place un véritable mécanisme de péréquation. C’est une question d’équité entre les territoires. Si les mécanismes financiers qui ont accompagné France Télécom puis Orange pour le cuivre sont refusés pour la fibre optique en zone rurale, c’est tout l’édifice du Plan France Très Haut Débit qui s’écroulera tôt ou tard. » déclare Patrick Chaize, président de l’Avicca.

Fin du cuivre : accélérer, mutualiser, accompagner

La transformation numérique des territoires ne se limite pas aux seuls sujets d’infrastructures. Si certaines métropoles ont mis en place des stratégies ambitieuses, d’autres territoires manquent encore de moyens humains et d’ingénierie. Le taux d’adoption moyen de la fibre entre entreprises et particuliers peut compter jusqu’à 20 points d’écart. Le manque de pédagogie et d’accompagnement freine les usages, comme l’illustre la fermeture du lot 1 du réseau cuivre, dont la mise en œuvre début 2025 n’a engendré qu’une migration effective de 25 % des entreprises concernées. Selon le baromètre Covage, 35 % des entreprises ne souhaitent pas migrer vers la fibre.

« La transition numérique ne peut réussir que si elle est adaptée aux réalités locales. Il faut soutenir des projets concrets, construits avec les acteurs de terrain, pour garantir un numérique éthique, accessible et au service du citoyen. » observe Gaël Sérandour, Directeur des investissements Infrastructures de la Banque des Territoires.

À l’horizon 2030, le chantier s’annonce considérable : 20 millions de nouveaux abonnés fibre, 20 millions de changements d’opérateur, et la dépose de 43 millions de lignes cuivre. Une opération industrielle de grande ampleur qui appelle une coordination étroite entre opérateurs, collectivités et pouvoirs publics.

L’après-THD : des infrastructures numériques au service des transitions locales

La fin du Plan France Très Haut Débit marque aussi une inflexion stratégique : les infrastructures numériques ne se limitent plus aux télécoms. L’Observatoire 2025 identifie plusieurs fronts d’innovation majeurs pour les années à venir.

Le premier consiste à valoriser le patrimoine fibre des collectivités, souvent hérité de déploiements réalisés dans les années 2000-2010. Aujourd’hui, la majorité des contrats de DSP arrivent à échéance, et représentent une opportunité précieuse pour développer de nouveaux services : vidéoprotection, réseaux IoT, cybersécurité, interconnexion de sites publics… Plus de 90 % des collectivités interrogées déclarent avoir au moins un projet en ce sens.

Deuxième axe : le développement des datacenters de proximité, conçus comme une alternative locale et maîtrisée aux grandes infrastructures de cloud. Ils permettent l’hébergement des données publiques, des services numériques internes et des outils métiers tout en limitant l’empreinte environnementale.

Enfin, le numérique est au cœur du grand chantier énergétique à venir, notamment dans le déploiement des bornes de recharge électrique (IRVE). Ces nouveaux usages partagent les mêmes logiques d’aménagement, de contractualisation et de gouvernance des données que les RIP, confirmant le rôle structurant du numérique dans la transition écologique.

« La filière numérique doit inscrire son action dans le temps long : préserver et valoriser ce qui a été construit, dans une logique de cohérence économique et technique, est un impératif. C’est la condition pour des infrastructures sobres, des données maîtrisées, et des territoires qui gardent la main sur leur transition numérique. » déclare Ilham Djehaich, présidente d’InfraNum.

L’Observatoire de la Transition Numérique des Territoires est disponible ici.