Historique, l’édition 2024 de l’université du secteur des infrastructures numériques l’a été à plusieurs niveaux. D’abord parce que – sous couvert d’un changement symbolique d’appellation « Université de la Transition Numérique des Territoires » – elle a confirmé que tous les industriels ont désormais les regards tournés vers les nouveaux enjeux liés aux territoires connectés (numérique et environnement, intelligence artificielle, datacenters, jumeaux numériques et directive NIS 2…). Mais aussi, parce que contrairement à toutes les universités précédentes aucun Ministre n’est venu dialoguer avec l’écosystème, un échange pourtant si précieux dans le succès collectif du plan France Très Haut Débit et si attendu pour définir l’ambition numérique de la France d’ici 2030.
Au lendemain de la nomination du gouvernement, l’inquiétude est palpable. « Le portage politique du numérique a chuté d’année en année » déplore Patrick Chaize, Président de l’Avicca et Sénateur de l’Ain.
Un constat amer alors que le plan France Très Haut débit touche à sa fin … sans pour autant être achevé. « Il reste trois défis majeurs à relever : la complétude, la résilience et la pérennité des réseaux » martèle Philippe Le Grand, Président d’InfraNum.
La complétude s’impose comme une condition sine qua none de réussite de l’arrêt du cuivre. Si le maintien du calendrier fixé (moyennement quelques ajustements) semble impératif pour l’équilibre des modèles économiques des opérateurs, il nécessite d’offrir à tous une solution très haut débit, « qui ne peut être que filaire » selon Patrick Chaize.
Ce sujet recouvre à la fois la tenue des engagements de déploiement, notamment en zones AMII, et l’épineuse question des raccordements complexes. Pour le premier, Séverine Reynaud, Vice-présidente de l’Avicca réclame « une implication au plus haut pour tenir les engagements qui avaient été pris ». Pour le second, le président de la fédération rappelle que plusieurs solutions, économes en argent public, ont été proposées pour financer les raccordements complexes, estimés à 1 milliard d’euros : « l’alimentation d’un fond déjà existant, avec une partie de la taxe IFER, payée par le secteur ». Propositions restées sans réponse à ce jour.
Quoiqu’il en soit, la migration induite par la fin du cuivre sera massive et concernera tant les particuliers que les entreprises. « Une opportunité pour celles-ci de continuer à rattraper leur retard en matière de digitalisation, qui place la France 12e sur 27 des pays européens (classement DESI 2023) » espère Philippe Le Grand. Longtemps réclamée au gouvernement, une campagne d’information, d’intérêt public et de grande ampleur, sera finalement portée uniquement par la filière. Déjà prête, elle devrait être dévoilée d’ici quelques semaines pour une diffusion en 2025.
Le sujet de la résilience progresse au sein des collectivités, conscientes des défis climatiques. Les signaux sont encourageants : 1/4 d’entre elles auraient déjà lancé un schéma de résilience ou l’envisageraient, les dispositifs de financements s’organisent, des outils sont proposés comme le guide méthodologique de la Banque des Territoires. Cependant, d’un simple enjeu de maintenance, le sujet invite désormais à une réflexion beaucoup plus profonde, questionnant la construction même des réseaux.
Pour assurer la pérennité de ces derniers, l’idée d’un partage par les usagers des coûts de maintenance, plus importants en zones rurales qu’en zones urbaines, fait son chemin.
De même, la situation concernant la qualité des raccordements s’améliore. « Tout n’est pas résolu mais notre mobilisation collective pour industrialiser les process et former, ainsi que le ralentissement du rythme de déploiement portent leur fruit » reconnait le Président.
Et demain ?
« La fibre n’est pas une fin en soi », indique Franck Leroy, Président de la Région Grand Est qui a accueilli l’Université cette année et ses 1500 participants. A l’initiative du plus grand RIP de France avec 1 million de prises optiques, il a déjà lancé son projet « FUTÉ » (Fibre Utile pour les Territoires et l’Environnement). Comme lui, de nombreux territoires expérimentent des projets dans lesquels les infrastructures optimisent les services d’aujourd’hui (consommation d’eau ou d’énergie, suivi de la qualité de l’air, gestion des mobilités ou des déchets…) et permettent d’imaginer les usages de demain. Avec la fin du plan France THD, les industriels de la filière y sont très attentifs puisque ces nouveaux développements constituent leurs relais de croissance.
Il en est de même pour l’international. Compte-tenu du savoir-faire de la filière française et de son approche partenariale vis-à-vis des pays étrangers, déjà plus d’un tiers des membres de la fédération travaille hors frontières. Et les opportunités à ce niveau laissent entrevoir de nombreux débouchés prometteurs.
Autant de sujets qui méritent un portage politique affiché et ambitieux, à la hauteur du dynamisme de la filière et de l’engagement des collectivités locales.